Les oiseaux chantent le matin

Ces derniers temps, je me suis beaucoup questionnée sur notre rapport à l’information, celle qui nous arrive dans un flot continuel et qui est tant inégale en terme de qualité et de pertinence que l’on en devient irrémédiablement boulimique, écoeuré. Ces interrogations se sont essentiellement tenues suite aux derniers attentats. Évidemment. Comment passer à côté des derniers évènements ? Pourtant il n’y a pas plus d’attentats en Europe (tenez, regardez ce petit graphique) qu’avant contrairement à ce que l’on veut absolument nous faire croire. Sûrement dans le but de nous faire vivre dans la peur et de flipper bien comme il faut dès que l’on voit quelqu’un « d’un peu chelou » à côté de nous. Seulement, on n’a jamais été aussi informé qu’aujourd’hui, alors forcément, effet boule de neige on a l’impression que la situation est pire aujourd’hui qu’il y a 50 ans. Entre Twitter, cette corne d’abondance de l’infotainment et Facebook où les commentaires en réaction à des articles ont tendance à me faire criser en moins de 5 minutes (note à moi-même : arrêter de lire les commentaires sur Facebook), il est quasiment impossible d’y couper à moins de décider radicalement de se couper de tout.

Mais le problème avec l’information de masse telle que l’on peut la connaître aujourd’hui, c’est que l’on n’a plus la main sur ce que l’on reçoit comme nouvelles. Pire que d’être un simple consommateur, on en devient totalement impuissant et à moins de gérer nos abonnements de manière drastique en ne s’abonnant qu’à des comptes de chats qui font du camping avec leur maître, allez essayer de passer à côté d’un nouvel évènement, et ce même pour 10 petites minutes. Si vous réussissez, vous méritez très certainement un joli pins et toute mon admiration en prime. Il est devenu quasiment impossible de réussir à s’informer juste assez pour se tenir au courant de ce qu’il se passe dans le monde sans pour autant être noyé dans un flot perpétuel de nouvelles informations.

Mais aujourd’hui avec cette information de masse, j’en suis arrivée à un dégoût ainsi qu’un profond ras-le-bol de tout. J’en ai assez de connaître les visages ou bien les noms de personnes ayant ôté à la volée des les vies de dizaines de personnes. Assez de me souvenir d’eux plutôt que de personnes ayant pu faire de bonnes actions. Je n’ai jamais demandé à savoir qui ils sont, pourquoi ils font ça et à retenir à chaque fin de journée les visages d’ordures alors que j’aurais préféré connaître les visages de nouveaux génies qui ont un impact positif sur le monde, ou bien apprendre que des recherches médicales avancent, que la pauvreté se réduit ou bien que la lutte contre l’exploitation animale progresse. Des choses positives, des choses qui changent le monde en bien. Vous me direz que je n’ai qu’à me déconnecter des réseaux, que c’est un peu de ma faute au final, que c’est à moi de ne pas regarder ou de ne pas lire si je n’en ai pas envie, tout comme c’est de la faute d’une fille si elle se fait agresser la nuit (c’est un peu ça au final ?).

Mais c’est ça au fond le problème : il n’est plus possible d’être sur les réseaux sociaux — Twitter principalement — en ayant un minimum de contrôle sur les informations qui nous arrivent continuellement dans la tronche. Les choses ont changé, nous n’allons plus à l’information, elle vient à nous, et ce même lorsque l’on n’a pas pris l’initiative d’y être attentif. Je pourrais lire n’importe quel article, le plus positif qu’il soit, il y aura toujours un moment où l’actualité reviendra dire coucou. Tu postes une photo sur Instagram à propos de quelque chose de joli, de joyeux et il y aura toujours quelqu’un pour venir rappeler que « ça fait du bien en ces temps sombres ». Alors oui je suis d’accord, ça fait du bien de poster de jolies choses et il ne faut pas oublier le reste autour, mais peut-on pendant 5 minutes arrêter de comparer constamment ces jolies choses aux affreuses choses ? Pour oublier un peu, fourrer la tête dans le sable et se contenter de contempler ces jolies choses et uniquement celles-ci ?

Lorsque j’étais en cours à la fac, je ne compte pas le nombre de fois où l’on nous disait qu’il fallait absolument s’abonner à de multiples comptes de journaux sur Twitter, qu’il fallait s’informer continuellement, ne pas en rater une seule petite miette. Mais tout ça pour quoi au final ? Qu’est-ce que s’informer continuellement nous apporte ? Oui c’est bien, on peut ensuite en discuter et ne pas être en décalage avec le reste du monde. Mais vous voulez discuter de quoi ? Que c’est affreux, effrayant, que le monde est un triste endroit parfois ? Mais on le sait déjà tout ça, non ? Non parce que de mon côté, lorsque je m’informe je termine déprimée et complètement dépitée par ce que le monde a à nous offrir. Alors est-ce que c’est vraiment ça l’information maintenant ? Lire chaque jour qu’il y a eu un nouvel attentat à tel droit, que tel dégénéré a fait ça, ça ou bien encore ça ? Qu’est-ce que cela nous apporte vraiment ? Est-ce que l’on ne le sait vraiment pas déjà tout ça ? Que le monde est violent et qu’il s’y passe des choses affreuses à chaque instant ? Qu’est-ce que cela nous apporte de savoir qu’il y a eu encore une dizaine de personnes tuées à tel endroit du monde ? Sans pour autant mettre des oeillères et se voiler la face en refusant totalement de savoir ce qu’il se passe autour de nous, à quoi sert vraiment le fait de tout savoir, à la minute près ?

C’est ça que je reproche, de s’accrocher aux informations, de se coller sur BFMTV pour ne pas en rater une miette et absolument tout savoir. Je ne suis pas fataliste, je ne dis pas que le monde est pire maintenant qu’avant, parce que c’est faux tout d’abord, on appelle ça le biais de proportionnalité (vulgairement, aujourd’hui on a l’impression qu’il se passe des trucs affreux constamment alors que cette impression est juste prodiguée par le fait que l’on a plus de canaux de diffusions qui nous en informent) et surtout que ça ne fait pas vraiment avancer le débat. Mais parfois j’aimerais n’apprendre que 3 jours après qu’il s’est passé un évènement terrible à tel endroit. Juste pour avoir le droit d’être un peu en retard, de ne pas être au courant de tout, de louper des informations et de ne pas me coucher le soir horrifiée par les actualités de la journée. Est-ce que pour autant cela ferait de nous quelqu’un de moins bien que de ne pas avoir connaissance de tout à tout instant ?

[bctt tweet= »Ne pas vouloir entendre parler des nouvelles ne fait pas de nous des personnes insensibles. » username= »LaMouetteBlog »]

Est-ce que je parle des gens qui retweetent des photos de corps ? Franchement… Cette curiosité morbide et totalement en dehors des limites du respect me dépasse. Qui les a élevées pour que ces personnes trouvent amusant de balancer comme ça aux yeux de tous des photos de personnes qui n’ont même plus la possibilité de dire si oui ou non elles acceptent d’être montrées aux yeux de l’internet tout entier ? Et ne parlons même pas de leurs proches qui préfèreraient sans doute que ces photos-là ne soient pas récupérées pour servir des propos abjects. Alors souvent on lira qu’il faut arrêter de faire l’autruche, que voir ces photos c’est comprendre l’horreur, qu’il faut les voir pour s’en rendre compte. Sérieusement ? Vraiment ? Il faut donc absolument voir de telles photos pour être au courant qu’il se passe des choses terribles ? Que ces personnes aient besoin de voir ces photos, libre à elles, mais que ces mêmes personnes choisissent de les montrer aux autres sans prendre en compte le fait qu’ils n’en ont peut être absolument pas envie, là ça me dérange vraiment.

Pourtant, ne pas vouloir entendre parler à tout instant des attentats ou de tout autre sujet affreux dans le monde ne fait pas de nous des personnes insensibles. Chacun réagit différemment et c’est bien ça qui me dérange : personne ne prend en compte le fait que chacun a sa propre sensibilité et que l’on s’empare chacun des actualités d’une manière qui nous est propre. Que refuser de voir des photos de corps ce n’est pas forcément refuser de voir la réalité, c’est simplement vouloir peut-être s’en protéger ou ne pas avoir besoin de les voir pour avoir conscience des faits. Je sais bien qu’il est impossible de prendre en compte chaque personne pour que chacun puisse être satisfait, mais avoir conscience qu’autour de nous il y a un monde et de multiples façons d’appréhender ce monde, ce serait déjà un joli pas vers un monde un poil meilleur. Non ?

Je vous écris tout ça, mais au final, je n’ai pas la clef pour réussir à gérer ce flot d’informations. À moins de se désabonner d’un bon nombre de comptes, ce que je compte bien faire, j’ignore comment est-ce que l’on peut réussir à trouver un équilibre entre ce que l’on est capable d’encaisser et la juste dose d’informations dont on doit avoir connaissance pour ne pas se sentir en décalage avec le reste du monde. Tout ce que je sais et ce que je souhaite, c’est que j’en suis arrivée à un moment où je ne supporte plus et où je sature de lire, de voir et d’entendre h24 ce qu’il se passe partout dans le monde et que j’ai besoin que tout cela change. Que je suis fatiguée d’être constamment en colère lorsque je vois des horreurs dites sur internet par des personnes qui n’ont que faire des sentiments des autres. Que ce n’est pas en sachant tout tout le temps que les choses s’arrangeront et que ce n’est certainement pas en titillant la colère de chacun que l’on réussira à inverser le cours  des évènements…

Que pensez-vous de tout ça ? Vous la gérer comment vous, l’information ?

9 commentaires sur “Les oiseaux chantent le matin

  • Repondre Djahann

    Je n’ai pas de smartphone….ça aide beaucoup à éviter tout ça ! Quand c’est trop, je n’ai aucun souci à éviter de me connecter sur les réseaux sociaux. Par contre, je regarde les infos (et je râle beaucoup ! Le journalisme de caniveau est tellement prévisible et manipulateur) histoire d’être tenue un minimum informée de ce qu’il se passe. Mais il y a des périodes où je ne regarde qu’une fois dans la journée et pas davantage car c’est trop moche. Et je me plonge dans des futilités, dans des jolis blogs, et je bouquine, pour me changer les idées.
    Mais il est vrai que parfois, les infos nous sautent au visage au détour d’un réseau et c’est parfois très violent.

  • Repondre Nat Arocas

    Merci pour ton article qui est très juste !

    Comme je sélectionne beaucoup qui je suis sur les réseaux et ce que je lis j’arrive à limiter les informations de masse (sauf sur quelques sujets.). Je n’écoute pas la radio, je ne regarde pas les infos chez moi, je ne lis pas les journaux. Donc globalement je m’en sors pas mal, je trouve toujours moyen d’être au fait de l’actualité sans entrer dans un cercle vicieux où on rabâche en boucle les mêmes infos morbides !

    En revanche j’ai quelques amis sur Facebook notamment qui partagent beaucoup sur certains sujets. Ces sujets m’intéressent et j’apprécie de pouvoir en avoir connaissance car c’est pas le genre de choses dont il est question à la télé etc. Sauf que par période il y a un enchaînement de faits qui touchent ces sujets et là boum ça pullule et je fais une sérieuse indigestion. Par exemple quand il y a eu pas mal d’actu sur les abattoirs ou le festival de Yulin, en ce moment ce sont toutes les frappes en Syrie… Du coup je fais de mon mieux pour ne pas m’attarder quand c’est le cas mais c’est jamais simple :(

  • Repondre Cocon de Douceur

    Lorsqu’un attentat est généré, il y a un élément auquel nous ne pensons pas tous, et qui est pourtant aussi dangereux: les médias.
    En effet, les médias, des plus classiques aux réseaux sociaux, diffusent l’information. Cependant, c’est même plus que cela, comme tu le dis.
    C’est que c’est fait de manière particulièrement malsaine, glauque voir morbide.
    En fait, cela conduis à un climat de peur et de haine.
    Je ne suis pas insensible à ce qu’il s’est passé. Cependant, je pense que nous n’avons vraiment pas besoin d’en ajouté.
    Surtout que finalement, cela « aide » les terroristes.

    Je ne regarde pas la télévision, et, je sur les réseaux sociaux, j’ai eu la chance de ne pas avoir été atteinte par plus d’informations à ce sujet.
    Donc je ne connais ni le nom, ni le visage, ni l’histoire. Je sais juste qu’il y a eu des victimes, des décès, que c’était à Nice un 14 Juillet.
    Je connais aussi le moyen de cette tuerie. Cependant, je sais le triste essentiel, et nous avons guère besoin d’en savoir plus.

    Soyons bienveillants, je n’ai que cela à dire… Et serrez nous les coudes.
    Merci pour cet article qui est juste! Merci pour ces mots, pleins de sagesses et intelligents!

  • Repondre anahaddict

    Comme toi j’aimerai bien passer à côté de certaines informations parfois. Le soucis, c’est que j’ai fait la folie de devenir journaliste et que je ne peux pas y couper. Parce que, même si je travaille en presse locale, l’information nationale (et mondiale) a forcément des répercutions en locale. Une grande décision du gouvernement ou un phénomène de mode (pokémongo c’est la folie en campagne haha). Mais je t’avoue que des fois je sature. Je sature quand on me demande de trouver des gens de Nice ou qui connaissent des Niçois dans mon coin (le nord est je rappelle). Je sature quand on me demande des réactions de Turques après le putsch raté. Parce que ça n’apporte rien et que je trouve ça voyeuriste et malsain comme façon de faire. Mais que je n’ai pas toujours le choix.. Enfin bref il y aurait tellement à dire sur le sujet, je pourrais y passer des heures tellement ça me passionne quand même

  • Repondre Jessica

    Ton article tombe à pic. Je viens justement d’écrire sur le même sujet : les réseaux sociaux peuvent vite devenir très toxiques.
    Je suis énormément de militantes ces derniers mois (féministes, racisées, etc) et donc je vois passer beaucoup d’informations pas toujours joyeuses. En ce moment, c’est surtout du livetweet sur Adama Traoré. Parfois, je sature parce que c’est trop : trop de violences, trop d’incompréhension, trop de colère et trop d’insultes.

    Pour autant, je ne veux pas quitter les réseaux sociaux parce que j’aime ça et j’y apprends beaucoup. J’ai juste fait quelques ajustements : par exemple, je me suis désabonnée des pages Facebook des journaux parce que je n’en pouvais plus des commentaires, je bloque et signale les propos illégaux sur Twitter. C’est fatiguant mais j’ai l’impression de me construire un espace plus sain.

    Le plus difficile, c’est Facebook et la famille qui a des propos franchement agaçants (on va dire ça). J’ai fini par me désabonner de certains tout en restant amis (pour éviter l’incident diplomatique).

    Je culpabilise moins aussi depuis que j’ai vu des militantes body positive ou autres rendre leurs comptes privés un temps, histoire de souffler.

  • Repondre Laëtitia

    Je suis complètement d’accord avec toi, ça fait du bien de lire ça ! Par contre, c’est vrai, je n’ai pas non plus la solution pour gérer tout ça… Réduire le nombre d’abonnements sur Twitter (pour l’info, je n’ai plus que Le Monde, et parfois c’est déjà trop), c’est sûr, c’est un bon début, mais en même temps, je garde ce besoin d’avoir un moyen de savoir en temps réel que « ça va, rien de trop grave aujourd’hui », pour me rassurer (fail)… C’est sûr qu’il va falloir revoir notre rapport à l’information, et je suis outrée de voir à quel point les gens ont besoin de ressasser des détails choquants pour se sentir conscients de la réalité. Pour moi, la question est : pourquoi avons-nous besoin de ces infos ? Personnellement, je crois qu’ une info est pertinente si et seulement si elle nous permet de savoir comment agir, d’une quelconque façon, dans notre vie quotidienne ou sur le monde qui nous entoure, pour le rendre un peu meilleur, non ?

  • Repondre Fanny

    Merci pour cet article! Je vois donc que l’on est plusieurs à atteindre ce « ras-le-bol »…
    Plus l’information est terrifiante et morbide, et plus elle est partagée, quel dommage!
    Je plaisante souvent en disant qu’il faudrait que les médias diffusent au moins une bonne nouvelle, ou tout du moins une information positive par jour. Et pourquoi pas après tout?

    Merci pour tes réflexions :-)

  • Repondre Pendant l’été sur le web – Blottie dans un fauteuil

    […] La Mouette, pour finir, on questionne notre rapport à l’information (ce qui me paraît être si nécessaire […]

  • Repondre En liens cette semaine #18 – L'océan de la vie

    […] En rentrant des vacances, j’ai reconnecté avec les flux d’informations et Florence en parlait justement dans un de ces articles : quel est notre rapport à l’information, comment le gérer, comment on est perçu selon ce que… […]

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