Vendredi 13

Vendredi 13

En janvier dernier, je me rappelle encore du moment où j’ai entendu le mot attentat : j’étais à une terrasse à Rennes, mon café refroidissant lentement alors que je ne réalisais pas ce qu’il était en train de se passer. J’avais la sensation que partout autour de moi tout s’était transformé en coton, que ce n’était pas vraiment réel, j’avais envie de secouer les gens dans la rue, leur demander ce qu’il se passait, leur demander si ce n’était pas une mauvaise plaisanterie, leur demander pourquoi personne ne disait rien. Je me sentais comme une enfant perdue au milieu d’une foule. Je tenais mon téléphone en tremblant, en larmes, tandis que je n’arrivais pas à expliquer à mon père ce qu’il venait d’arriver à quelques centaines de kilomètres de là. Je ne pouvais pas croire ce que mon flux d’actualité déroulait sous mes yeux. Des personnes venaient d’échanger contre leur volonté leur liberté contre la mort, tout ça pour rien. Pour rien du tout. J’étais effrayée de voir que j’étais naïve, que nous l’étions tous : que nous n’étions pas à l’abri de tout ça, que les rues n’étaient pas des endroits où l’on était forcément en sécurité. Et puis les jours ont passé… nous semblions tous un peu sonnés de ce qu’il s’était passé. Notre liberté venait d’être entachée et nous en avions été les spectateurs, bras ballants, sans rien pouvoir faire.

J’aurais aimé que ce vendredi 13 soit un jour oublié, un jour sans rien de spécial, un jour qui ne veut rien dire, un vendredi 13 où les gens allaient au Loto, espérant gagner un sacré paquet d’argent, se raccrochant à des superstitions auxquelles on essaie tous de croire parfois, parce qu’au fond on aime tous croire à des choses qui n’ont pas trop de sens. C’était un soir de week-end, un de ces soirs que l’on aime tant : deux jours de liberté nous sont offerts, deux jours qui nous appartiennent et avec eux, la chaleur de notre chez-nous, celle des bars et des lieux de fête, entourés de nos proches. Je ne pensais pas devoir espérer que ce mois de novembre que j’aime tant, celui qui précède décembre, celui qui annonce les fêtes, la joie et les odeurs de vin chaud reste comme il est d’habitude.  Aujourd’hui, je me rappellerai pourtant une nouvelle fois de la scène qui se déroulait lorsque j’ai une fois de plus lu le mot attentat. Ce mot qui me semblait déjà loin et pourtant encore si proche. J’avais eu une pensée triste le jour même en apprenant les attentats au Liban j’avais repensé à janvier et m’étais dit que là bas aussi, l’horreur était perpétrée. Triste hasard, ce vendredi 13 c’est un verre de vin à la main, un camembert tout juste gagné au Trivial Pursuit que je me suis dit « non, pas encore ». Cette fois là ce ne sont plus des symboles, des personnes représentant des symboles, qui ont été attaqués mais c’est une seule et unique chose : notre seule liberté de vivre, de rire.

Aujourd’hui comme ce 7 janvier dernier, je n’arrive pas à comprendre, il est d’ailleurs impossible de comprendre. Une nouvelle fois j’ai eu peur et j’ai peur. L’effroi ne me quitte pas et même s’il faut rester fort, rester unis, je ne peux qu’être comblée de tristesse face à ce monde qui se déchire. Tous ces avis de recherches se muant en avis de décès me nouent l’estomac. Hier je me suis recroquevillée sous mes draps, effrayée par la mort et ses lettres froides. Effrayée par cette cruauté et par ce futur dont je ne veux pas, dont on ne veut pas, dont personne ne veut et dont personne n’ayant un coeur ne peut vouloir. De quoi sera fait demain ? Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire d’instruire, d’éduquer, de parler. De ne surtout pas laisser la haine s’installer, cette haine qui détruit tout sur son passage, qui change des personnes en des êtres sans âme et qui tuent sans émotion. Protégez-vous, que vous soyez athée ou bien croyant, rien de tout ça n’est de notre faute. Parlez, surtout parlez, utilisez vos mots et utilisez-les biens. C’est une richesse infinie que nous avons en nous et que ces mots soient maladroits ou non, c’est à nous de construire le monde de demain. Même si aujourd’hui ce monde là nous semble bien trop dur, il n’est jamais trop tard et il ne le sera jamais tant que nous nous battrons. Je n’ai plus les mots.

J’adresse mes plus sincères condoléances à toutes les personnes ayant perdu un être cher hier et à toutes celles ayant un proche blessé ou qui n’a pas encore été retrouvé. Gardez courage, restez entourés et soyez fort, la vie est cruelle mais elle peut être si belle, ne l’oubliez jamais. Je vous embrasse.

« Ce qu’on apprend au milieu des fléaux
c’est qu’il y a chez l’Homme
plus de choses à admirer qu’à mépriser »
A. Camus

11 commentaires sur “Vendredi 13

  • Repondre Papa

    Des mots simples pour se dire . Des mot simple pour se comprendre. Des mots simple pour s’entendre.
    7 milliards d’etres « humain » mais 7 humains denués d’humanité.
    La vie continue et sera la plus forte.

  • Repondre Justine

    Coucou Florence,

    Quel bel article! Je n’ai pas de mots. Je rentre du cinéma, c’était prévu de longue date. J’ai voulu annuler, puis je me suis rendue compte que ce n’était pas uniquement par solidarité. non. J’avais peur de m’enfermer dans un endroit public, alors je me suis fait violence, sursautant au moindre bruit…. et je les déteste pour la peur que nous avons désormais tous. Ton article est un vrai réconfort.

    Pleins de bisous !

  • Repondre CyrielleMaakeup

    Quel beau texte, vraiment très touchant. Tu résumes tout, tout ce qu’il faut dire et ce que tout le monde pense. Maintenant espérons que ça s’arrête.. <3

  • Repondre Aurélie

    Un très beau texte, j’étais très émue en parcourant ces quelques lignes … Je n’ai pas eu la force de publier l’article que j’ai écris pour expliquer ce que je ressens, mais le besoin de mettre des mots sur cette souffrance est bien la. Merci d’avoir partagé cela avec nous. Restons tous fort et unis, ils n’auront pas notre France.

  • Repondre BeauteBordelaise

    Ton article plein d’espoir fait du bien ! merci

  • Repondre La Mouette

    Je suis heureuse d’avoir pu vous apporter un tant soi peu de réconfort, merci et prenez soin de vous ❤️

  • Repondre Le deuxième roman de S.J. Watson : Une autre vie - Le blog d'iMaëlle Le blog d'iMaëlle

    […] des autres, qui ont réussi à exprimer ce qu’ils ressentaient dans de jolis articles : La Mouette, Make my Lemonade, Les Petits Rien, Souris des villes et Vie de Miettes. Où que tu sois, qui que […]

  • Repondre Anaïs

    « Le coton ».. merci d’avoir mis un mot sur cette sensation. Mi-consciente, mi-inconsciente… cette peur pas tout à fait présente, le fait qu’on ne réalise pas ce qu’il vient de se passer.
    Je découvre ton blog sur une note tragique, je m’en vais voler vers d’autres articles !

    A très vite !

    • Repondre La Mouette

      J’aurais préféré que tu le découvres dans d’autres circonstances, mais bienvenue par ici ! Promis, d’habitude mes billets ne sont pas si tristes :)

  • Repondre Aline

    Ça fait déjà 15 jours mais c’est impossible de ne pas être bouleversée par tout ça. J’aurais dû être à un concert ce soir là au Café de la Danse, mais trop en retard sur mon mémoire, je ne suis finalement pas sortie. Par contre le vendredi précédent j’étais bien à un concert, mes amis vivent dans la rue de Charonne, et moi je radote constamment sur mon rêve de vivre rue Bichat. Quand les infos ont mentionné ces fameuses rues, celle de mes rêves, c’était inassimilable. Et plus encore pour le Bataclan où j’ai applaudi mes groupes préférés et admiré Balthazar j’avais interviewé quelques jours auparavant. Tous ces lieux sont aussi à proximité de Duperré et le lendemain des attentats, au réveil d’une des pires de nuits de nos vies, nous avons reçus des mails de nos professeurs pour savoir si nous étions bien en vie. J’y ai répondu en tremblant et suis restée cloisonnée chez moi jusqu’à 17h, quand je suis sortie je n’arrivais pas à croire que pour certains rien ne semblait avoir changé. J’ai échangé quelques phrases avec un caissier sur lequel tous ces évènements semblaient avoir glissé, sans le moindre accros. Je ne sais pas comment font ces gens. Tous les jours je passe devant la place de la République pour aller en cours, il paraît même que nous allons avoir des exercices de confinement au sein de l’établissement « au cas où ». Après une semaine à réactualiser nerveusement les sites d’informations, ça va mieux mais je n’arrive pas à croire que nous en soyons arriver là.

    • Repondre La Mouette

      Ohhh j’imagine à quel point ça peut te secouer ces moments là… voir des lieux que l’on aime frappés d’une telle cruauté fait vraiment mal. J’espère que tu iras de mieux en mieux, je ne peux pas y croire non plus et je refuse d’admettre que l’on vit dans un monde pareil. Des bisous Aline, prends soin de toi !

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